Page 18 - Challenge N°744. Du 22 au 28 mai 2020
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18 EntrEprisEs & marchés
Industrie automobile En conditionnant son sauvetage de Renault à un mouvement de
relocalisation vers la France d’une partie de ses sites délocalisés ailleurs, l’Etat français met la pression
tant sur le management du constructeur automobile déjà affaibli et sans véritable patron (en attendant
la prise de fonction en juillet 2020 de son nouveau Directeur Général), que sur les pays où la marque
au Losange est présente industriellement. Le Maroc risque-t-il d’en faire réellement les frais ? PaR S.M.
Relocalisation potentielle de Renault
en France : le Maroc épargné
lors que la polémique rante à la MAP du Comité des
bat dans son plein constructeurs français d'auto-
depuis quelques jours, mobiles, qui a affirmé que les
Aquant aux concessions groupes PSA et Renault "restent
que devra consentir le groupe totalement impliqués dans leurs
Renault pour obtenir une aide sites au Maroc", une analyse
publique de la part de l’Etat fran- un tant soit peu avisée de la
çais pour surmonter l’effet de la spécialisation du dispositif
crise actuelle, les interrogations industriel du groupe Renault
s’amoncellent quant au devenir de à travers le monde, écarte rapi-
la présence au Maroc du deuxième dement un tel scénario. Pour-
constructeur européen, voire quoi ? Les voitures fabriquées
également de son compétiteur en Amérique du Sud (plus
franco-français, le groupe PSA. particulièrement au Brésil,
En effet, si le ministre de l’Eco- en Argentine, en Colombie et au synergies industrielles avec des
nomie, Bruno Le maire n’est pas Chili) sont exclusivement vendues sites français déjà existants.
à sa première sortie contre les sur place et leur faire traverser Donc en toute objectivité, les pays
usines délocalisées du groupe au l’Atlantique serait un contre- qui ont aujourd’hui des soucis à
Losange (rappelons-nous sa décla- sens économique. La Twingo, se faire quant à la pérennité de
ration de décembre 2019 où il a produite en Slovénie a déjà un Renault sur leur sol sont plutôt
qualifié d’«échec» le modèle de avenir incertain au-delà de 2022, la Turquie, la Roumanie et dans
délocalisation de la filière auto- car trop dépendante de la prime à une moindre mesure, la Slovénie
mobile française en appelant la casse instaurée par l’Etat fran- si la prime à la casse refait surface
à revoir totalement cette stra- çais en 2009. Quant aux modèles 10.000 en France dans le package des
tégie), cette fois-ci il revient à la produits par les usines marocaines Renault em- mesures publiques en faveur du
charge en mettant sur la table un de Somaca et Melloussa, ils sont ploie plus de secteur automobile (ce qui n’est
prêt public de 5 milliards d’euros quasi-exclusivement ceux de la 10.000 sala- pas éloigné d’ailleurs). Le Maroc
(pour aider Renault à sortir de la gamme Dacia, une sous-marque riés et fabrique n’a qu’à prier pour que le marché
crise du Covid-19) déjà validé par low-cost qui perdrait totalement déjà près de automobile mondial reprenne
l’Union Européenne. Y arrivera-t-il sa compétitivité en étant rapa- 400.000 vé- rapidement des couleurs, ce qui
? Probablement en poussant les triée en France. Restent donc la hicules (entre est impératif pour atteindre son
dirigeants de la firme fondée par Clio et quelques modèles Dacia, Casablanca et objectif de production d’un million
les frères Renault en 1899, à faire qui sont respectivement fabriqués Tanger) de véhicules par an (avec vraisem-
bouger quelques lignes. Mais, le en Turquie et en Roumanie avec blablement deux ans de retard tout
Maroc où Renault emploie plus un différentiel de coût d’à peine de même par rapport au calendrier
de 10.000 salariés et fabrique déjà autour de 10% par rapport à une initial de 2020) et poursuivre la
près de 400.000 véhicules (entre production théorique dans l’Hexa- montée en puissance des exporta-
Casablanca et Tanger) fera-t-il gone et dont le rapatriement pour- tions de son secteur Automobile
les frais d’un tel mouvement…du rait être envisageable moyennant (première source de devises pour le
moins en étant en première ligne. réduction d’un mix entre compres- pays depuis trois ans, avec plus de
Rien n’est moins sûr, car au-delà sion de la marge du constructeur, 77 milliards de dirhams à l’export
de la récente déclaration rassu- aides publiques spécifiques et en 2019). n
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